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C’est une question mille fois posée, et à propos de laquelle plusieurs personnes m’ont encore récemment questionné.

Un peu d’histoire :

Le texte ci-dessous a été écrit par Jean-Jacques ANTIER en Septembre 1979 :

Dans sa lutte pour l’égalité, la femme a subi un échec : La Marine. Jadis, la dureté du métier suffisait amplement à l'expliquer. Mais aujourd'hui ? À bord des navires presse-boutons, une femme pourrait aisément remplir presque tous les postes. La force musculaire n'intervient plus que pour certaines manœuvres d'arrimage. Et pourtant, on ne voit que très rarement des femmes à bord des navires de commerce (surtout dans le rôle de radio (*) ), et jamais à bord des navires de guerre,

Chez les Russes, il existe seulement quelques femmes officiers de la marine marchande et, paraît-il, un chalutier (ou un petit cargo ?) aurait entièrement été armé par des femmes, à titre d'expérience.

En France, depuis un vieux décret royal « interdisant à femme de marin de dormir en le vaisseau », l'École Navale et toutes les écoles de la marine leur sont fermées, excepté pour l'administration à terre : on a créé pour elles un service féminin spécial et un uniforme.

En vérité, on a peur que leur présence à bord, en excitant les passions, ne provoque des drames (drame aussi de la jalousie pour les épouses légitimes restées à terre !) Car elles sont bougrement jolies, ces marinettes ! (le terme de « matelote » s'applique uniquement à la danse et au plat cuisiné).

Sans doute sous l'influence d'un courant de l'église catholique de jadis, cette restriction est passée dans les esprits sous la forme absurde de malédiction : La femme tentatrice envoyée par le démon pour pervertir l'âme blanche de l'homme !

Le lest du diable :

A bord des voiliers marchands longs courriers du XIX ème siècle, et, jusqu'en 1914 les capitaines emmenaient parfois leur épouse avec l'approbation plus ou moins tacite de l'armateur. Ils l'installaient dans leur confortable cabine, d'où elle ne sortait guère pendant les longs mois de la croisière, la tunique boutonnée jusqu'au cou, que pour prendre l'air sur la dunette, partie arrière du voilier réservée aux officiers.

Et l'équipage, qui aurait dû être ravi de cette présence féminine, n'aimait pas ça ! Jalousie ? Les hommes la regardaient de travers en l'appelant « le lest du diable », ou « le diable en lest », et si quelque malheur survenait à bord, elle en était immanquablement accusée !

Nous avons tenté de retrouver l'origine de cette peur instinctive qui s'inscrit déjà dans les textes du XVI ème  siècle.

Un tabou, qui remonte probablement à l’antiquité païenne, interdit au marin de faire l'amour en mer, serait-ce avec sa femme légitime ! Cela déclenche la colère des dieux marins : Neptune, Éole. Car le marin ne peut avoir qu'une épouse : La Mer.

C'est pourquoi on pensait qu'une femme à bord faussait le compas et provoquait la tempête.

Ce qui est sûr, c'est qu’étant spécialement désirée (car l'épouse d'un capitaine était toujours jeune et jolie) elle provoquait une tension qui, pour peu que la femme fût coquette et provocante, devenait vite intolérable dans ce milieu clos qu'est un navire au large, bourré de jeunes mâles sevrés d'affections féminines.

Certains capitaines, jaloux, la confinaient dans leur cabine, mais alors les hommes avaient tendance à reprocher au « Vieux » son despotisme, et on lui promettait mille cocufiages raffinés à l'escale, et cela s'exprimait dans les terribles chansons à virer avec des mots crus qu'aucun témoin n'a osé rapporter.

Heureusement, toutes les femmes ne se laissaient pas faire ! Certaines, autoritaires, prenaient même le pas sur le capitaine, allant jusqu'à exiger que l'on réduise la toile sous prétexte que le bateau gîtait trop et menaçait de faire rouler d'un bord à l'autre le piano ou l'harmonium qu'elles avaient apporté pour s'accompagner dans leurs soli de chant. Est-il besoin de préciser que l'époux, aussi galonné fût-il, était alors déconsidéré et perdait toute autorité sur l'équipage ?

Femmes déguisées en hommes :

À bord des navires de guerre, et sur certains vaisseaux marchands aux armateurs sévères, la femme n'était jamais admise, mais certaines parvenaient à s'introduire à bord en se déguisant en homme.

La littérature romanesque a beaucoup usé et abusé de ce qui n'a été qu'une exception, et la scène classique du chirurgien de marine découvrant la poitrine superbe du jeune faux marin blessé au combat appartient surtout aux accessoires du romancier.

À bord de vaisseaux de guerre comptant trois cents à mille hommes, la promiscuité dans les postes était totale, et il est impensable qu'une jeune femme ait pu longtemps passer inaperçue au milieu de tous ces mâles ! Même si on ne se déshabillait jamais à la mer pour dormir, le matelot, chaque dimanche, se mettait entièrement nu sur le pont pour se laver avec la maigre portion d'eau douce qui lui était attribuée.

Mais les officiers ?

Aucune femme n'aurait pu avoir ses compétences, où les aurait-elle acquises ?

Où aurait-elle pris sa voix forte et mâle pour commander dans la tempête ?

Toutefois, les capitaines se voyaient attacher un mousse pour le service de leur cabine. Et ce pouvait être un adolescent, un « novice ». Il couchait à l'office et non au poste d'équipage.  Une jeune fille maigre pouvait ainsi se dissimuler.

Il ne fait aucun doute que des capitaines introduisirent de cette manière leur jeune maîtresse à bord, mais nous doutons que l'affaire ait longtemps passé inaperçue de l'équipage. C'était plutôt une astuce du capitaine vis-à-vis de l'armateur pour faire monter une femme à bord en la camouflant sur le rôle d'équipage sous un nom d'homme.

On connaît aussi quelques cas plus rares encore :

Sur le journal de bord du baleinier America, on lit à la date du 9 janvier 1863, sous la plume du capitaine Luce :

Au matin, légère brise d'ouest. Mis les embarcations à la mer pour chasser les baleines.  Elles reviennent à trois heures. Découvert que le matelot George Weidon est une femme; je ne l'aurais pas soupçonné.

L'affaire avait été révélée d'une manière inattendue. Le faux matelot (dix-huit ans) s'étant révolté (!), et, ayant été jusqu'à frapper un officier d'un coup d'aviron, le capitaine Luce le condamna à être fouetté, suspendu nu par les pouces, aux haubans du grand mât, punition classique.

La scène se déroula en présence de tout l'équipage assemblé, mais comme on lui arrachait ses vêtements, la supercherie se révéla à tous, et Weldon perdit connaissance, non sous les coups de fouet qu'on ne lui appliqua pas, mais de confusion.

Cependant, le cas le plus extraordinaire est rapporté par la petite histoire anglaise, et n'a évidemment jamais pu être confirmé chez nous par l'histoire officielle.

A la bataille de Trafalgar, à bord d'un vaisseau français, une femme (une flamande) était restée à bord après l'escale de Cadix. Elle s'appelait Jeannette, et ne voulut pas quitter son mari ou son amant, qui la déguisa en matelot. On recrutait alors n'importe qui, tant le service de Napoléon était redouté sur une mer dominée par les Anglais.

Malheureusement, l'amiral Nelson rôdait dans les parages et décime (**) la flotte française. Le vaisseau de Jeannette prit feu et coulait bas, aussi l'équipage reçut-il l'ordre d'abandonner le bord en se jetant à l'eau.

Comme il n'était pas question de plonger avec les lourds vêtements de mer, tous les hommes se déshabillèrent, et Jeannette dut faire de même !

On devine la stupeur des Anglais en repêchant peu après cette très jolie fille entièrement nue. Personne d'ailleurs n'abusa de la situation, et le capitaine la calfeutra vite dans une cabine d'officier, après lui avoir donné un drap pour se tailler une robe !

Après la bataille, on la débarqua à Gibraltar, d'où elle passa en Espagne, en louant le fair-play des marins britanniques.

L'histoire est-elle vraie ? C'est bien possible. Celle-là et beaucoup d'autres, plus ou moins enjolivées, plus ou moins truculentes, ont longtemps fait les délices des postes d'équipage des long-courriers à la voile, y apportent un peu de rêve dans une vie rude où la femme symbolisait un monde de douceur, de beauté et de plaisir, qu'aucun de ces pauvres bougres n'aurait l'occasion de goûter durablement, voués qu’ils étaient aux créatures déchues des tavernes portuaires.

Demain, y aura-t-il des bateaux d'équipages mixtes ? Après son quart, le matelot pourra-t-il rejoindre la marinette dans sa couchette, comme l'employé de bureau rejoint sa compagne secrétaire après le travail ?

Qui pourrait le dire ?  Et quels problèmes cela soulèvera !

Jean-Jacques ANTIER – Septembre 1979.

(*)   Pourquoi ???              (NDLR)

(**) par traîtrise et félonie   (NDLR)

 

Depuis l’époque où Jacques Antier a écrit ces pages, beaucoup de choses ont évoluées.

Dans les années 90 des femmes sont entrées à l’École Navale, et un reportage avait même été consacré, à l’époque, à la première femme-officier sortie de l’École Navale et embarquant sur le porte hélicoptères La Jeanne d’Arc.

Il est vrai qu depuis les origines de la marine,  les femmes n’étant pas (ou rarement) admises à bord, il fallait attendre les escales pour pratiquer ce sport.

C’est de là que sont nées les célèbres expressions telles que : Tant pis pour la première que je rencontre. C’est à ce cri qu’encore à la fin des années 70 (et après…),  les marins de « La Jeanne d’Arc », après 2 (parfois 3) mois de mer se ruaient, sitôt le navire à quai, vers la sortie de l’arsenal de Brest et envahissaient le quartier de Recouvrance pour se ruer sur tout ce qui porte une jupe.

On rapporte quelques anecdotes piquantes arrivées à des curés et même parfois à des Écossais en kilt qui se trouvaient là au mauvais moment. Pour préserver la haute tenue morale et le sérieux  de ce document, je ne rapporterai pas leurs mésaventures ici.

On dit aussi qu’à l’époque de la marine à voile, les marins s’absentant de chez eux pour plusieurs mois, voire même plus d’un an, étaient réputés ne pas rester chastes aux escales. Paraît-il, les femmes de marins ne s’ennuyaient pas elles non plus, on avait coutume de dire : Une femme dans chaque port et un porc dans chaque femme.

On pouvait tout supposait quand on en entendait une Bretonne dire : « Venez vite, les copines vont nous montrer leurs potes Malouins » (et non pas...)

Jacques Antier dit des matelots que ce sont « de pauvres bougres n'aurait l'occasion de goûter durablement (à l’amour), voués qu’ils étaient aux créatures déchues des tavernes portuaires ». C’est vrai, mais, eux, ils pouvaient !/span>

[ Voir les tarifs ]

En effet, il était parfois autorisé à des professionnelles de monter à bord pour y retrouver les matelots, mais pas les officiers, qui se seraient sentis dévalorisés devant l’équipage.

Les matelots faisaient ce qu’ils voulaient à terre avec les « créatures déchues des tavernes portuaires » tant qu’ils leur restaient de l’argent (mais comme à bord on ne dépense rien, toute leur solde était disponible) alors que les officiers passaient presque tout leur temps en réceptions officielles et pouvaient tout au plus baiser la main de la fille du gouverneur ou de la sœur de l’ambassadeur.

Il arrivait aussi que des filles de « la haute » visitent un bateau comme en témoigne l’anecdote suivante :

À la fin du XIX ème siècle, la femme du Ministre de la Marine et sa charmante fille, guidées par le Commandant, visitaient le « Grand-Condor », mouillé en rade de Brest.

Après être descendues jusqu’aux soutes, ces dames remontaient sur la passerelle par un petit escalier très raide… lorsque, soudain le vent du large s'engouffra sous la jupe de la demoiselle…

Un matelot, qui astiquait ses cuivres, juste au-dessous, en laissa échapper un juron d’aise.

La Ministresse avait entendu et, outragée, exigea le châtiment du coupable.

-   Soyez sans crainte, dit l’officier, cet homme sera puni... Malheureusement, je ne vois guère qu’un texte applicable à son cas, et il est assez sévère.

-   Quel est ce texte, Commandant ?

-   L'article 17 du Code Maritime ainsi conçu : « Tout marin, gradé ou matelot, qui, ayant aperçu à bord une fente ou une fissure, n’aura pas tenté de la boucher par ses propres moyens, sera puni de trente jours d’arrêt ».

 

Les femmes à bord.

Aujourd’hui, les mentalités ont bien évoluées. De plus en plus d’équipages sont mixtes. Une croisière de plaisance serait bien triste et monotone si certains équipiers n’étaient pas des équipières.

Mais certains usages n’ont pas encore changé :

Par exemple, on dit toujours : « Un homme à la mer ».

Si vous demandez à un vieux marin pourquoi, quand il faut abandonner le navire, on dit : « Les femmes et les enfants d’abord », il vous répondra que de cette façon les requins seront rassasiés au moment où les hommes sauteront.

Il y a aussi les irréductibles misogynes comme ce navigateur célèbre que nous ne nommerons pas (nous l’appellerons « OdK ») qui a déclaré un jour : « Parler de bateau avec une femme c’est aussi passionnant que de discuter philosophie avec une mouette ».

Personnellement j’ai connu des équipières bien meilleures « marin » que beaucoup d’hommes.

 

La Galipette : Oui ou Non ?

Il est bien sûr, aujourd’hui, possible de s’adonner à ce sport, mais en respectant des règles (certaines officielles, d’autres dictées par l’habitude et le bon sens).

De plus, cette pratique, très bonne pour la santé et pour le moral, est vivement conseillée, aussi biens aux marins qu’aux passagers, mais pas n’importe où ni n’importe quand.

Les règles ne seront pas forcément les mêmes suivant que le navire est au port ou en route.

En cas de doute, on peut toujours demander son avis au Commandant.

 

Quand le navire est au port ou au mouillage : 

- Elle est interdite aux équipiers de quart ou ayant un travail d’intérêt commun à exécuter. Elle est vivement encouragée pour tout les autres.

- Il n’est pas obligatoire de rester à bord du navire pour cet exercice.

- Si l’on choisit comme partenaire(s) des personnes extérieures à l’équipage (autochtones ou provenant d’un autre bateau), tous les coups sont permis sans aucune restriction à la condition de faire en sorte qu’aucun mari jaloux ne vienne faire d’histoires à bord.

  De même, tous les coups sont permis pour empêcher les maris jaloux de venir faire des histoires.

- Ne jamais hésiter en cas d’urgence, par exemple après une longue abstinence, à demander une permission spéciale au commandant pour aller tirer une bordée à terre sinon on fait courir des risques énormes à sa santé. Ci-joint le dossier médical d’un marin (qui a décidé de rester anonyme), et a dû consulter après trois mois d’abstinence en mer.    Voir le dossier médical

 

Quand le navire est en mer :

- La pratique de toute galipette, ou activité de la même famille, est interdite pendant qu’un des partenaires est de quart ou a une responsabilité touchant à la bonne marche du navire.

  Pour les autres, quartier libre tant que ça n’entrave pas la bonne marche du navire.

- Par mer agitée, les positions acrobatiques sont vivement déconseillées.

- Au moment d’un virement de bord il est conseillé de marquer une pause dans ses activités et de se tenir solidement à une partie fixe du bateau. L’accident est vite arrivé.

- Et surtout, soyez vigilants. Une mauvaise chute, un coup de roulis un peu trop fort, pendant qu’on est en pleine occupation, et c’est la fracture assurée.

  Ci-joint la radiographie faite à un marin après un accident provoqué par un virement de bord particulièrement violent. La victime, plâtrée dans de mauvaises conditions, et dont la fracture s’est ressoudée de travers, est désormais condamnée à ne plus pouvoir pratiquer que dans la position dite de « L’ÉQUERRE ».       Voir la radiographie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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